Le reportage photo est maintenant une histoire racontée en plusieurs prises et non plus sur une seule vue. Pour MAGNUM, H.C.B choisit de travailler en Asie. Il y restera trois ans. En 1937 il a épousé une javanaise qui milite pour l'indépendance de l'Indonésie et l'intéresse à l'Extrême-Orient. Il commence par un séjour en Inde qui est en plein processus de décolonisation. Il assiste à la Partition, rencontre Gandhi quelques heures avant son assassinat et photographie ses funérailles le 31/01/1948.
Puis il fait deux séjours en Chine. Lors du premier, en 1948/49, il assiste à l'effondrement du régime nationaliste du Kuomintang et à la prise de pouvoir par les communistes. Il travaille pour Life. A côté de la photo noir et blanc ( "un eunuque à la Cour impériale" 1948 ), il développe la photo couleur. Il prend alors des plans d'ensemble traduisant la multitude : ce sont les foules, les défilés militaires, les grands rassemblements d'ouvriers, avec des banderoles et des drapeaux aux teints éclatants.
Son deuxième séjour en 1958 témoigne de la politique du Grand Bond en avant de Mao et de la gigantesque mobilisation des masses. Paris Match publie ses reportages en 1949 dans son premier numéro, puis à nouveau en janvier 1959. Ces démonstrations chinoises de la puissance du nombre impressionnent le monde entier.
Suivront des reportages à Moscou en 1954 et en 1972/73. H.C.B avait obtenu un visa pour l'URSS grâce à un metteur en scène soviétique venu au festival de Cannes en 1952. En Russie, H.C.B photographie la vie quotidienne dans les rues, les usines, les lieux de loisirs, et sur les chantiers. C'est un travail de "flânerie" qui saisit le "hasard objectif" et montre que derrière le rideau de fer la vie est sensiblement la même qu'ailleurs... Ces vues diffusées dans Life et dans de nombreux magazines européens rapporteront une fortune. H.C.B travaille alors avec Martine Franck, sa deuxième femme également photographe à MAGNUM.
A partir des années 1970, H.C.B qui approche des 70 ans s'écarte peu à peu de MAGNUM.... et de la photo. Il se consacre dorénavant au dessin et à l'aquarelle qu'il n'avait, d'ailleurs, jamais cessé de pratiquer. Il admire Van Eyck, Ucello, Cézanne, Giacometti. Il copie Goya qu'il vénère, il dessine des squelettes au Museum d'histoire naturelle, il peint des paysages sur le motif et réalise des portraits et des auto-portraits. Un an avant sa mort en 2003, la fondation H.C.B ouvre à Paris.
Avant de quitter H.C.B citons quelques définitions qu'il donna lui-même de la photographie :
"Photographier c'est mettre sur une même ligne de mire l'oeil, l'esprit et le coeur."
"La photo est la reconnaissance d'un évènement qui ne dure qu'une fraction de seconde et en même temps la mise en scène des formes reçues par le regard, et qui donne à cet évènement toute son expression, sa signification."
Pierre Assouline, son biographe dit : "l'organisation spatiale, géométrique de ses vues fait surgir l' ordre, l'harmonie, l'équilibre, du grand chaos universel."
S.Ray, cinéaste indien dit : "il sait voir ce que nous ne distinguons pas."
Quant à l'homme, il avait un caractère difficile volontiers froid et cassant qu'il associait à un sens aigü de la générosité et de la solidarité. Il fut non seulement la référence photo suprême et incontestée mais aussi l'exemple d'une éthique parfaite.
Marie vous parle photos
Photos de Jean-André Halin
Commentaires
Enregistrer un commentaire